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Discours du Président de l'IASB, Hans Hoogervorst, prononcé à Utrecht aux Pays-Bas
La Fondation IFRS a publié le discours du président de l'IASB, Hans Hoogervorst, prononcé à Utrecht aux Pays-Bas, le 5 novembre 2019, lors du Symposium annuel d’Eumedion.
Son discours a porté sur les points suivants :
- Etats financiers primaires
- Rapport de gestion et développement durable
Etats financiers primaires
Nouveaux sous-totaux
Le président rappelle que le projet « Etats financiers primaires » a pour objectif de fournir une meilleure mise en forme et structure des états financiers IFRS, notamment du compte de résultat. Actuellement, la forme du compte de résultat est assez libre. L'IASB a défini le chiffre d'affaires et le résultat net mais pas tellement les éléments entre ces deux agrégats.
C’est pourquoi l’IASB va, dans un premier temps, définir un certain nombre de sous-totaux dans les normes IFRS afin d’améliorer la comparabilité des informations communiquées. Le président rappelle que l’IASB a développé une définition du sous-total le plus couramment utilisé, à savoir le « résultat opérationnel ». L’IASB va définir ce sous-total comme le « résultat avant le résultat lié aux investissements, le résultat financier et l’impôt sur le résultat » . Le président note que de nombreux investisseurs considèrent ce sous-total comme un reflet raisonnable des principales activités d’une entreprise.
L’IASB souhaite définir l’indicateur « Résultat avant le résultat financier et avant l’impôt sur le résultat » . Ce sous-total exclut les produits et charges financières ainsi que l’impôt afin de faciliter la comparaison des performances financières des entreprises.
Indicateurs non-GAAP
Le projet « Etats financiers primaires » assurera également une plus grande transparence et une rigueur dans l’utilisation des indicateurs non-GAAP. L’IASB souhaite obliger les entreprises à fournir les indicateurs non-GAAP dans une seule note dans les états financiers afin de faciliter la recherche de ces d’informations pour les investisseurs.
Parallèlement, la divulgation des indicateurs non-GAAP dans la note fera l’objet d’une grande rigueur. Par exemple, un rapprochement doit se faire entre les chiffres non-GAAP et le sous-total IFRS le plus proche. Cela aidera les investisseurs à mieux comprendre d’où proviennent les chiffres non-GAAP. En incluant les indicateurs non-GAAP dans les notes aux états financiers, ces derniers entrent dans le scope de l’audit, ce qui renforcera encore un peu plus la rigueur.
Le président s’attend à ce que l’impact de ces propositions soit assez important. Elles créeront une meilleure structure dans les états financiers et amélioreront les comparabilité, ce qui permettre aux utilisateurs de trouver plus facilement les informations dont ils ont besoin pour leur analyse.
La définition des sous-totaux IFRS et la combinaison avec la rigueur accrue concernant la divulgation des indicateurs non-GAAP réduiront probablement l’utilisation d’indicateurs personnalisés. Le président estime que les propositions sont un gain important pour les investisseurs, et s’attend à ce qu’elles permettent de promouvoir la pertinence des rapports financiers traditionnels.
Rapport de gestion et développement durable
Le président note que le terme couramment utilisé de « reporting extra-financier » est complet mais manque de précision. Il existe en effet de nombreux rapports extra-financiers, tels que ceux relatifs à l'impact d'une entreprise sur l'environnement, la performance dans le domaine de la diversité, etc. Mais ce type de reporting ESG (Environmental, social and governance) ne couvre pas toutes les informations extra-financières.
Une grande partie de l'information fournie en dehors des états financiers, généralement dans le rapport annuel, est en effet pertinente sur le plan financier pour les investisseurs. Informations sur le modèle d'entreprise ; informations prospectives ; des informations sur l’environnement économique d’une entreprise ; informations sur l'impact financier du changement climatique : tous ces sujets sont, tout au plus, reflétés en partie dans les rapports annuels traditionnels. En raison de leur importance financière, ils méritent encore une place dans le rapport annuel. Le drapeau « reporting extra-financier » ne couvre pas tout ce type d’informations.
Guide d’élaboration
L’IASB considère « l’information financière au sens large » (« broader financial reporting ») comme une partie de sa sa mission qui consiste à fournir des informations financières aux acteurs du marché financier. L’IASB reconnait également qu’il est impossible d’inclure toutes les informations financières pertinentes dans les états financiers. Pour cette raison, l’IASB a élaboré un guide d’élaboration du rapport de gestion.
Il s’agit essentiellement d’un manuel de rédaction du rapport de gestion. Pour diverses raisons, l'IASB a récemment décidé de réviser ce guide. Tout d'abord, il y a la forte augmentation de l'intérêt pour les actifs incorporels.
Dans la nouvelle économie de la connaissance, les actifs incorporels, tels que la technologie, la clientèle et le modèle économique d'une entreprise, revêtent une importance croissante. Bien que les actifs incorporels soient importants, la plupart d'entre eux ne figurent pas dans le bilan d'une entreprise. Une des raisons de leur absence est qu’ils sont très difficiles à mesurer. Bien que la comptabilité soit davantage un art plutôt qu'une science, cela s'applique dans une mesure extrême à l'évaluation des actifs incorporels.
Le cimetière des marchés financiers regorge d'acquisitions infructueuses fondées sur des estimations incorrectes des actifs incorporels. Ces actifs peuvent également être très volatiles. Le Président donne pour exemple le cas de Nokia et BlackBerry : la valeur de leurs technologies incorporelles semblait énorme, jusqu'à ce qu'elles soient emportées par une nouvelle génération de smartphones en très peu de temps.
Pour ces raisons, le président pense que le rapport de gestion est la meilleure plateforme pour fournir aux investisseurs des informations sur les actifs incorporels. L’IASB y consacre donc une attention suffisante dans guide d’élaboration. Nous demanderons aux entreprises d'identifier les actifs incorporels qui sont importants pour leur modèle de revenus. Ils devront également faire face aux principaux risques environnementaux liés à ces actifs incorporels et expliquer leur stratégie pour faire face à ces défis.
La deuxième raison importante de la révision du guide est l’intensification de l’intérêt porté à l’impact des questions de développement durable sur les entreprises et l’énorme perte que représente le « reporting sur le développement durable ». Le guide actuel de l’IASB ne fait mention d’aucune informations sur l'impact potentiel relatif au développement durable.
Normes sur le développement durable
Le président explique que l’intérêt accru pour l’écologie s’explique aisément. La Grande Barrière de corail est déjà à moitié morte, la glace polaire est en train de fondre et, mis à part un politicien ici et là, tout le monde s'accorde pour dire que les actions humaines sont la cause principale de ces événements inquiétants. Dans cette optique, il n’est pas surprenant que l’attention portée au rapport sur le développement durable ait considérablement augmenté, également chez Eumedion.
Le président note que l’on distingue deux courants principaux dans le monde des normes sur le développement durable. Certaines normes, telles que celles de la Global Reporting Initiative (GRI), sont principalement axées sur l'impact externe d'une entreprise sur la société et la planète. Ces normes ont une perspective multipartite ; elles ne se concentrent pas essentiellement sur les investisseurs. Elles visent à encourager les entreprises à adopter des comportements socialement responsables en offrant une meilleure compréhension des conséquences sociales de leurs politiques. Ces normes sont particulièrement importantes pour les investisseurs qui souhaitent promouvoir un changement de comportement.
Le deuxième volet principal est davantage axé sur la société et ses investisseurs. Il s'agit de normes et de cadres tels que ceux du Sustainability Accounting Standards Board (SASB), du Climate Disclosure Standards Board (CDSB) et de la Taskforce pour les informations financières relatives au climat (TCFD) qui permettent à une entreprise de décrire l'impact financier potentiel du développement durable. Ce type de norme est particulièrement important pour les entreprises sensibles aux effets financiers du changement climatique.
Bien que les deux types de normes poursuivent un intérêt légitime, le président souhaite néanmoins émettre des réserves quant à l'efficacité du premier volet, qui vise principalement à promouvoir une conduite des affaires socialement responsable.
Premièrement, les normes de durabilité multipartites n’ont pas de seuil de matérialité financière et conduisent facilement à une énorme surcharge d’informations. Un pays comme la France a défini des exigences ESG très détaillées dans sa législation. La taille moyenne d'un rapport annuel français est de près de 400 pages, soit environ 50% de plus que le rapport annuel moyen en Allemagne.
Deuxièmement, le président estime que l’on ne peut pas s'attendre à des miracles en matière de durabilité en termes de changement de comportement. Il estime également que des rapports sur le développement durable pour savoir que l’aviation est mauvaise pour l’environnement ne sont pas nécessaires. Mais à l'exception d'un petit nombre de vrais héros, tels que Greta Thunberg, Hans Hoogervorst note que nous achetons tous des billets d'avion extrêmement bon marché pour nos déplacements de plus en plus fréquents en ville. La seule chose qui aiderait vraiment serait une tarification lourde pour les externalités du vol ; des billets d'avion considérablement plus chers feront beaucoup plus que le rapport de durabilité de Ryanair, AirFrance ou KLM.
Le président note que pour la même raison, l'investissement socialement responsable a aussi ses limites. Il est facile pour les investisseurs institutionnels d’exclure les fabricants de bombes à fragmentation de leurs investissements ; il serait beaucoup plus difficile de faire la même chose avec les grandes compagnies pétrolières, par exemple. Le président note également que si certains investisseurs décident de les exclure, d'autres attendront dans les coulisses, prêts à prendre des actions, sachant que quatre des 20 plus gros payeurs de dividendes dans le monde proviennent de l'industrie pétrolière. La récente émission obligataire du géant pétrolier saoudien Aramco a été écrasée plus de huit fois, un record historique !
Les rapports ESG peuvent contribuer à sensibiliser le public aux questions de durabilité à long terme, mais le président estime que la législation et les incitations financières seront finalement décisives.
Les marchés des capitaux sont difficiles et les entreprises et les investisseurs doivent en fin de compte gagner de l'argent pour rester à flot. C’est aussi la raison pour laquelle des entreprises telles que BP et Shell sont ouvertement en faveur de la tarification des émissions de CO2. Seule une tarification efficace leur permettra d’amorcer la transition vers une énergie durable.
Le deuxième flux principal de normes de durabilité est particulièrement pertinent pour la mise à jour du guide d’élaboration du rapport de gestion. Les normes se concentrent principalement sur les effets financiers (potentiels) des problèmes de développement durable pour l'entreprise elle-même. Ces normes - avec un seuil de matérialité financière clair - s'inscrivent également dans la mission de l'IFRS Foundation consistant à fournir des informations financières pertinentes aux investisseurs.
L'impact financier du changement climatique se fait déjà sentir dans le secteur des assurances ; d’autres industries suivront, surtout si la réglementation publique commence vraiment à mordre. Ce type d’information est essentiel pour les investisseurs qui souhaitent se faire une opinion sur la viabilité à long terme des entreprises. Le guide d’élaboration de l’IASB deviendra donc également un vecteur d’informations sur la durabilité financièrement pertinentes.
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