Les principes à respecter pour la présentation du compte de résultat semestriel 2020 dans le contexte de Covid-19
La CNCC et le CSOEC ont publié une FAQ concernant les conséquences de cette crise sur le plan comptable, juridique et de l’audit. La 6ème édition de cette FAQ a été publiée le 24 juillet 2020.
Dans cette FAQ, et dans le cadre de la présentation des effets de la crise de Covid-19 dans les états financiers, la CNCC et le CSOEC ont conclu que les entreprises ne devaient pas présenter ces effets séparément au bilan ou au compte de résultat, mais en annexe. La CNCC et le CSOEC ont répondu plus précisément aux questions suivantes :
Question 11.1 : Est-il possible de présenter dans le compte de résultat une colonne proforma qui ne tienne pas compte des effets de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19 ?
Réponse : La présentation au sein même du compte de résultat d’une colonne comparative présentant les éléments de performance de la période, en excluant certains produits ou certaines charges qui seraient la conséquence de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19, ou en reconstituant les éléments de résultat comme si la situation de crise sanitaire et économique n’était jamais arrivée, ne parait pas conforme à IAS 1. En effet, l’état du résultat global doit présenter tous les postes de produits et de charges comptabilisés au cours de la période (IAS 1.81).
En conséquence, un compte de résultat qui ne tiendrait pas compte des effets de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19, et qui de fait ne présenterait pas tous les produits et charges comptabilisés de la période et seulement ceux-là, ne pourrait être considéré comme étant établi selon les principes de comptabilisation et d’évaluation des IFRS.
De même, le fait de qualifier cette colonne comparative de « comptes ajustés/retraités de l’effet Covid-19 » (i.e. sans se prévaloir d’une qualification IFRS) ne serait pas plus autorisé par IAS 1, qui ne permet pas de justifier l’utilisation de méthodes comptables inappropriées par l'indication desdites méthodes comptables utilisées ou par des notes expliquant ces méthodes (IAS 1.18).
L’IFRS Interpretations Committee s’est également prononcé sur la présentation de colonnes supplémentaires en mai 2014 pour rappeler qu’IAS 1 définissait un certain nombre de prescriptions générales et d’indications pour la présentation et la structure des états financiers (dont le compte de résultat). Ainsi la flexibilité offerte par IAS 1 sur la présentation est limitée par la nécessité de garantir que l’information présentée dans les comptes est pertinente, fiable, comparable et compréhensible.
Question 11.2 : Est-il possible de regrouper sur une seule ligne l’ensemble des conséquences de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19 dans le compte de résultat ?
Réponse : En raison de l’impact général de la crise sanitaire et économique sur l’activité (dont le chiffre d’affaires) et la performance des sociétés, ce sont toutes les lignes du compte de résultat qui peuvent potentiellement être affectées (que ce soit du fait des pertes de valeur d’actifs, des pertes encourues sur contrats devenus déficitaires, des coûts des mesures salariales prises ou des aides exceptionnelles obtenues de l’Etat, ou tout simplement du fait d’une baisse significative du chiffre d’affaires), y compris le résultat financier (en raison par exemple d’effets des restructurations de dettes ou liés à la déqualification de certaines opérations de couverture), les quotes-parts de résultat des entreprises associées mises en équivalence ou encore les éléments d’impôts.
Ainsi, la prise en compte de l’ensemble des effets de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19 conduirait à regrouper, a priori sous une seule rubrique du résultat opérationnel, des éléments de produits et de charges sensiblement différents par nature et pouvant relever d’agrégats distincts du compte de résultat.
Une telle présentation sur une seule ligne des éléments liés à la crise ne nous paraît pas conforme aux principes généraux de présentation d’IAS 1 car :
- elle ne permettrait pas une représentation fidèle des effets des transactions et autres événements (IAS 1.15) car incluant des éléments opérationnels, des éléments financiers (par ex : les éventuelles restructurations de dettes normalement classées en financier) et/ou des éléments d’impôt ;
- elle constituerait une dérogation aux principes de présentation d’IAS 1.99 requérant de présenter les dépenses selon leur nature ou leur fonction, dérogation qu’il serait difficile de justifier puisqu’elle reviendrait à considérer que la fonction ou la nature d’une dépense a changé en raison de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 ;
- elle ne donnerait qu’une vision incomplète de l’impact de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, dans la mesure où elle ne reflèterait pas, par exemple, les effets de la baisse des produits ou de la charge d’impôt consécutive à la baisse de l’activité.
Malgré l’impossibilité d’isoler ces éléments sur une seule ligne du compte de résultat, il nous semble cependant approprié que les entreprises produisent dans les notes annexes une information reprenant l’ensemble des effets de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19 comptabilisés, détaillés en fonction de leur nature et de leur étendue.
Enfin et nonobstant le commentaire ci-dessus, la pratique observée chez certaines entités, qui appliquent la Recommandation ANC n°2020-01 relative au format des comptes consolidés des entreprises établis selon les normes comptables internationales, qui consiste à présenter certains éléments très significatifs en autres produits et charges opérationnels non-courants (restructurations, pertes de valeur de goodwill, litiges), peut être poursuivie dans les conditions habituellement appliquées par l’entité.
Question 11.3 : Peut-on reclasser une partie des dépenses opérationnelles telles que les dépenses de personnel ou d’amortissement en dehors des éléments récurrents afin de mettre en évidence la partie de ces dépenses qui n’ont pas généré de revenus ?
Réponse : D’une manière générale, les salaires versés aux employés sont par nature des dépenses qui sont encourues dans le cours normal de l’activité (CC 4.43). Il en est de même des amortissements relatifs aux actifs d’exploitation, industriels ou incorporels. Or, les événements actuels, quel que soit leur caractère inhabituel, ne doivent pas affecter la nature même des dépenses de salaires ou d’amortissement supportées ni conduire à considérer qu’elles présentent un caractère inhabituellement élevé.
Par ailleurs, bien qu’IAS 1 permette de présenter des postes qui peuvent être une décomposition des postes minimum requis par la norme et d’inclure des lignes additionnelles ou de désagréger des sous-totaux du compte de résultat, une telle présentation :
- n’est possible que dès lors que l’information est pertinente pour la compréhension de la performance de l’entité (IAS 1.85) ; et
- implique selon le paragraphe 85A(c) qu’elle soit cohérente et permanente d'une période à l'autre.
En conséquence et dès lors que la pérennité de cette présentation ne serait pas pertinente pour les périodes ultérieures, il ne paraît pas opportun pour les entreprises qui présentent un compte de résultat par nature ou par fonction, d’isoler – selon une clé de répartition qui pourrait par ailleurs être difficilement vérifiable – une partie des salaires ou des amortissements comptabilisés qui n’auraient pas directement ou indirectement contribué à l’activité et à la génération de chiffre d’affaires.
L’ANC a publié, le 18 mai 2020, des « recommandations et observations relatives à la prise en compte des conséquences de l’événement Covid-19 dans les comptes et situations établis à compter du 1er janvier 2020 » qui ont été mises à jour le 24 juillet 2020.
L’ANC considère que l’ampleur de la crise justifie que chaque entreprise soit à même :
- de bien mesurer les conséquences de l’événement Covid-19 sur sa performance 2020 et sur sa situation financière, afin notamment de distinguer ses effets ponctuels des fondamentaux de l’activité et de fonder de manière rigoureuse les dispositions à prendre pour surmonter les difficultés rencontrées (objectif de gestion) ;
- de disposer d’un outil de communication permettant d’échanger de façon objective réaliste et pertinente avec l’ensemble de ses parties prenantes (objectif d’information), tant à l’occasion des comptes et situations intermédiaires requis par la réglementation que pour des situations intermédiaires préparées volontairement.
S’agissant de la question de la présentation des produits et charges liés au Covid-19 en résultat non courant - notion non définie par les IFRS, l’ANC rappelle que sa recommandation ANC n°2020-01 du 6 mars 2020 relative au format des comptes consolidés des entreprises établis selon les normes comptables internationales, prévoit la présentation séparée des produits et charges d’exploitation non courants au compte de résultat, dès lors que ces éléments correspondent à des événements en nombre très limité, inhabituels, anormaux et peu fréquents, et de montant particulièrement significatif.
L’ANC conclut qu’il n’est pas recommandé d’utiliser les rubriques du résultat non courant pour traduire les conséquences de l’événement Covid-19 et qu’il est préférable de privilégier en conséquence la présentation dans l’annexe. Les entités poursuivent leurs pratiques antérieures en n’inscrivant dans les rubriques du résultat non courant que les produits et les charges qui y sont portés de façon usuelle.
Enfin, à l’instar de la CNCC et du CSOEC, une information relative aux conséquences de Covid-19 en lecture directe dans les comptes (compte de résultat et/ou bilan) n’est pas recommandée.
L’ESMA a publié, le 20 mai 2020, un communiqué relatif aux implications de la pandémie Covid-19 sur les rapports financiers semestriels de 2020.
Dans sa publication, l’ESMA rappelle que l’objectif de la norme IAS 34 Information financière intermédiaire est « de prescrire le contenu minimum d’un rapport financier intermédiaire ainsi que les principes de comptabilisation et d’évaluation à appliquer aux états financiers complets ou résumés d’une période intermédiaire. Une information financière intermédiaire rapide et fiable permet aux investisseurs, aux créanciers et autres destinataires de mieux appréhender la capacité de l’entité à générer des bénéfices et des flux de trésorerie, ainsi que sa situation financière et sa liquidité ».
Selon le paragraphe 6 de la norme, « le rapport financier intermédiaire est destiné à actualiser les informations fournies dans le jeu complet d’états financiers annuels le plus récent. Par conséquent, il s’intéresse essentiellement aux nouveaux événements, activités et circonstances, et ne reproduit pas des informations déjà communiquées précédemment ».
L’ESMA estime que les évènements liés à l’épidémie de Covid-19 constituent des éléments significatifs au sens des paragraphes 15 à 15C de la norme, et demande donc aux émetteurs d’ajuster, voire augmenter le niveau de détail des informations fournies dans les états financiers semestriels.
L'ESMA souligne que les paragraphes 17 et 31 de la norme IAS 1 Présentation des états financiers exigent des informations complémentaires à celles requises par la norme IAS 34. Ainsi, l’ESMA indique que certaines des informations qui sont normalement exigées par les IFRS pour les états financiers annuels peuvent être utilisées pour fournir des informations pertinentes sur les conséquences découlant de l'épidémie de COVID-19 dans les états financiers semestriels.
L'ESMA appelle à la prudence concernant toute présentation séparée des impacts de la pandémie de Covid-19 dans le compte de résultat des émetteurs car, affectant potentiellement toutes les lignes des comptes, une telle présentation distincte pourrait ne pas présenter fidèlement la performance financière globale, la position et / ou les flux de trésorerie des émetteurs, au détriment de la compréhension globale des états financiers par les utilisateurs.
L'ESMA encourage plutôt les émetteurs à fournir des informations sur les impacts significatifs de l'épidémie de COVID-19, y compris quantitatifs, dans le cadre d’une note unique faisant partie des annexes aux états financiers, qui expliquerait les montants présentés et comptabilisés dans le compte de résultat.
L’AMF a publié, le 20 mai 2020, un article sur les principes à respecter dans la publication du rapport semestriel 2020 dans le contexte de Covid-19.
Dans la continuité du communiqué de l’ESMA, l’AMF indique qu’une note spécifique regroupant les différents effets de l’épidémie de Covid-19 sur les comptes, en indiquant pour chacun la ligne ou le sous-total des états financiers primaires impacté, et le cas échéant, les hypothèses sous-jacentes de calcul retenues, pourrait être utile pour les investisseurs.
En synthèse
Il est recommandé de ne pas isoler les effets sur le résultat de l’épidémie de Covid-19 dans les éléments non courants du compte de résultat. Il est recommandé de fournir une information en annexe (note spécifique) plutôt que de modifier des indicateurs alternatifs de performance ou des sous-totaux du compte de résultat.
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Pour consulter l’article sur les recommandations et observations de l’ANC en date du 18 mai 2020, cliquez ici
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Pour consulter l’article sur la déclaration publique de l’ESMA du 20 mai 2020, cliquez ici
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Pour consulter l’article sur la publication de l’AMF du 20 mai 2020, cliquez ici
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